Portrait de Chimiste : Jean-Christophe Monbaliu

Jean-Christophe Monbaliu

Chargé de Cours en Chimie Organique à l’ULiège et Directeur du CiTOS (Center for Integrated Technology and Organic Synthesis)

Jean-Christophe Monbaliu, 39 ans, est Docteur en Chimie de l’UCLouvain et spécialiste des nouvelles technologies micro- et mésofluidiques pour la synthèse organique. Cette passion l’a amené à créer le CiTOS, dont il est actuellement le Directeur. Il est également Editeur Associé du « Journal of Flow Chemistry ».

Quel est votre parcours professionnel ?

Après un doctorat dédié aux aspects les plus fondamentaux de la synthèse organique et de la chimie computationnelle dans un contexte de chimie médicinale en 2008, je suis engagé à l’Université de Gand en tant que chercheur postdoctoral « Bijzonder Onderzoeksfonds ». J’y apprends les aspects plus appliqués de la chimie organique, en particulier pour la valorisation de molécules plateformes biosourcées et le développement de procédés industriels. En 2010, j’obtiens successivement un mandat de chercheur au FWO-Vlaanderen et une bourse postdoctorale de la Belgian American Educational Foundation (BAEF) qui me permet de travailler aux USA, d’abord au Center for Heterocyclic Compounds à l’Université de Floride (Gainesville), puis au Massachussetts Institute of Technology (Cambridge). Je m’y spécialise dans les nouvelles technologies micro- et mésofluidiques pour la synthèse organique dans le contexte du développement d’une unité mobile de production de médicaments pour la Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA) du Département de la Défense. Fin 2013, je rejoins l’Université de Liège en tant que Premier Assistant, et j’y crée une structure de recherche hybride unique dédiée à la synthèse organique appliquée à l’interface avec l’industrie (Center for Integrated Technology and Organic Synthesis – CiTOS: www.citos.uliege.be). Je suis ensuite promu successivement Chef de Travaux, en 2018, et puis Chargé de Cours, en 2019. En 2020, j’obtiens également la chaire Minjiang Fujian à l’Université de Fuzhou (Chine). Les axes de recherche développés au sein du CiTOS font échos aux grands défis sociétaux du 21e siècle : (a) procédés innovants pour la manufacture de principes actifs pharmaceutiques, (b) stratégies biosourcées comme alternatives au pétrosourcé et (c) réduction du risque chimique et de l’empreinte environnementale globale des procédés.

Quelles sont vos missions actuelles ?

La recherche de pointe à la confluence entre aspects fondamentaux de la synthèse organique et aspects technologiques appliqués que nous développons au laboratoire est une source inépuisable d’inspiration pour l’organisation des cours dont j’assure l’enseignement au sein du Département de Chimie. Avec un enseignement étalé sur les 5 années du cursus en chimie, les cours dispensés (essentiellement en rapport avec la chimie organique et la micro/mésofluidique) assurent à la fois une formation scientifique et une formation civique et préparent les chimistes de demain aux défis scientifiques, technologiques, économiques et sociétaux du 21e siècle. Le tissu industriel fort sur lequel repose la recherche du laboratoire me permet de conserver une connexion solide avec les demandes et les besoins actuels. Mes cours sont à l’image de ma recherche – ils reposent sur une approche multidisciplinaire rigoureuse permettant d’attaquer tout problème exposé sous différents angles. Les cours s’alimentent d’exemples concrets, actuels et contextualisés afin de connecter les étudiants avec leurs perspectives professionnelles futures. En plus de mes missions d’enseignement, je dirige une équipe d’une vingtaine de chercheurs et une plateforme européenne de technologie fluidique au service de l’industrie.

Êtes-vous amené à voyager ?

Mon métier me permet en effet de voyager. Je vais régulièrement en Chine, aux USA et en Europe pour donner des conférences ou pour rencontrer de nouveaux partenaires industriels et académiques. Pour être franc, je préfère le confort de mon laboratoire à l’espace étriqué d’un avion, mais j’apprécie découvrir de nouveaux horizons.

Travaillez-vous seul ou en équipe ?

De par mes thématiques de recherche multidisciplinaires à l’interface entre la chimie organique, la chimie computationnelle appliquée à la synthèse organique et le génie du procédé, je suis amené à travailler en équipe. Cela fait partie des défis que j’aime particulièrement – pouvoir utiliser de nombreux outils et interagir avec des profils très différents pour arriver à développer une chimie « raisonnée ». J’ai particulièrement été marqué pendant ma thèse par les difficultés de communication entre différentes branches de la chimie ayant pourtant le même sujet d’étude – des langages souvent très différents sont utilisés pour signifier les défis de la chimie organique. Je m’attèle particulièrement à utiliser un langage « universel » pour connecter les aspects multidisciplinaires de ma recherche. Mon laboratoire est une structure très dynamique favorisant la communication et les échanges, avec une approche bottom-up

Quelles qualités faut-il selon vous pour exercer votre métier ?

Il faut certainement une volonté en acier, une vision à moyen et long terme (j’ai toujours un plan B, et un plan B pour le plan B), une grande ouverture d’esprit, beaucoup de créativité, de la résilience et une juste dose d’ambition pondérée par un côté humain et accessible. Et surtout ne pas avoir peur de l’échec.

Quel est l’aspect de votre métier qui vous plait le plus ?

La liberté de chercher au sein d’un laboratoire unique, la possibilité d’interagir au quotidien avec une équipe internationale multidisciplinaire et l’opportunité d’apprendre et de développer de nouvelles technologies au service de la chimie sont les aspects qui m’épanouissent le plus dans ma fonction. De par le côté appliqué de la recherche au sein du CiTOS, je suis également amené à travailler en étroite collaboration avec de nombreux partenaires industriels, ce qui me permet de connecter ma recherche aux besoins concrets de l’industrie. Je trouve la combinaison de recherche fondamentale et appliquée particulièrement épanouissante. Mon métier me permet également de voyager.

Pourquoi, selon vous, faut-il étudier la Chimie ?

La chimie est enracinée dans chacun de nos faits et gestes du quotidien – c’est pour moi à la fois une source de nombreuses réponses et d’inspiration. Etudier la chimie va de pair avec une responsabilité importante vis-à-vis de notre société, avec le pouvoir de construire et de détruire. Un chimiste organicien est un artiste de la matière, avec la grande prétention de surpasser la Nature dans la complexité, la diversité et les fonctionnalités des molécules.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui veulent se lancer dans des études de Chimie ?

La diversité des champs d’applications de la chimie permet de composer avec de nombreux domaines d’applications, de l’art jusqu’à la pharmacie et a certainement de quoi rassasier les appétits d’apprendre les plus insatiables. La complexité des études en chimie en décourage malheureusement beaucoup. Devenir Chimiste, c’est autant apprendre à laisser une empreinte globale la plus faible possible que de s’armer pour répondre aux grands défis sociétaux du 21e siècle. Le terreau industriel chimique belge est très riche et réputé – étudier la chimie, c’est donc aussi s’assurer un emploi dans un secteur en pleine croissance et en constante évolution.

Pouvez-vous partager une d’anecdote avec les chimistes de l’ACLg ?

Ma passion pour la chimie est enracinée dans mon amour des livres – à l’âge de 12 ans, je tombe sur une vieille édition d’une encyclopédie (Larousse, 1922) et dévore les chapitres dédiés à la chimie, avec mes premières manips et mon premier labo dans le grenier de la maison familiale à l’âge de 15 ans. Vers 17 ans, mes ambitions en composés énergétiques (comme propulseurs pour de petits prototypes de fusées) ont failli me coûter la main droite et le toit de la maison – je me suis bien assagi depuis.

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Publié le 23 mars 2022 par Wendy Müller

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